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Icônes Carmélitaine
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Lecture de l'icône de Sainte Mariam de Jésus Crucifié

Biche altérée courant après l'eau vive, colombe exilée cherchant son nid, telle nous apparaît la Bienheureuse Mariam sur l'icône qui est une épiphanie de son «cœur». Nous la voyons bondir sur les collines du Carmel, subjuguée par le Buisson ardent et irrésistiblement attirée par la Nuée où Dieu demeure..

Sous la Nuée
Orientale de souche et d'esprit, fille du Carmel et héritière du prophète Elie, Mariam vit en plénitude, sous la Nuée qui émerge du cercle, la mystique de l'Exode: celle de la Demeure où Dieu descend pour converser sur terre avec les hommes (la Shekinah) et celle du char de feu (la Merkabah) dans lequel Dieu élève l'homme pour le faire demeurer au ciel.

Le cœur de l'homme, comme le sein de la Vierge, est la vraie demeure recherchée par Dieu. Or l'homme ne devient Temple de Dieu que lorsque lui-même trouve en Dieu sa demeure: «Demeurez en Moi comme Moi en vous» dit Jésus (Jn. 15, 4). Mais dès que l’homme a trouvé ses délices dans l'intimité de la Demeure voici qu'il se sent emporté sur le char de feu dans la véhémence du désir et le tourbillon infatigable de l'amour impatient. Plus ils s'approchent de Dieu, plus les mystiques brûlent du désir de le posséder davantage. Dans la mesure où ils lui sont unis, ils se sentent de plus en plus attirés vers Lui. Mariam ne s'élève vers la Nuée que parce qu'elle a déjà établi en elle sa demeure. Dieu est devenu son «centre le plus profond», voici qu'elle est happée vers Lui comme la pierre vers son centre de gravité, ou plutôt, voici qu'elle s'élève vers lui sur le char de feu.

Sur l'icône, le geste de Mariam traduit ces deux réalités. Il y a rupture dans le mouvement qu'elle esquisse. Tandis que le buste se redresse, posé et serein, les jambes s'élancent, fougueuses. C'est comme si ces jambes qui courent n'appartenaient pas au buste si tranquille. Ce contraste est voulu. Le mouvement supérieur du corps exprime ces mots de l'Épouse des Cantiques: «entraine-moi sur tes pas», ces paroles évoquent la réalité de la Shekinah depuis l'appel de Dieu et la sortie d'Égypte jusqu'à la Rencontre et l'union dans le face à face ténébreux de la Nuée de la Foi. Cette emprise de Dieu dans l'intimité exige un «repos» de l'âme dont l'action consiste alors à recevoir. Cette passivité, chère aux maîtres du Carmel, fut pleinement vécue par la grande contemplative galiléenne.

Le mouvement des jambes, quant à lui, nous renvoie à ces autres mots de l’Épouse : «Nous courrons» qui peuvent être appliqués au char de feu dans la mesure où l'élévation de l'homme vers le ciel est une action synergique entre la grâce divine et la volonté humaine. Ici trouvent leur illustration les mots de Grégoire de Nysse: «à celui qui se lève vraiment, il faudra toujours se lever; à celui qui court vers le Seigneur, il ne manquera jamais un vaste espace. Ainsi celui qui monte ne s'arrête jamais, allant de commencement en commencement par des commencements qui n'ont jamais de fin». Cette «course» n'est autre que l'aboutissement dynamique de l'attraction exercée déjà pour faire entrer l'homme dans la Shekinah, elle va cependant plus loin, elle n'a de cesse jusqu'à le faire asseoir avec le Christ ans les cieux.

Ce char, en définitive, n'est autre que la puissance ascensionnelle du Christ, selon ces mots: «Et Moi, élevé de terre, j'attirerai tous hommes à moi» (Jn. 12, 32). Assis à la droite du Père, Jésus nous attire vers Lui en répandant son Esprit-Saint: c'est ainsi qu'Il «vient sur les nuées» (Ap. 1, 7) puisqu'il ne vient que dans la mesure où Il attire vers Lui son Corps qui est l'Église par l'Effusion de l'Esprit.

L'Ascension est le premier temps de la Parousie et la Nuée qui voila le Christ de l'Ascension sera celle qui le révélera à son dernier Avènement, car, sur cette terre, «Dieu a promis de demeurer dans la Nuée obscure» (II Chr. 6, 1). Cette Nuée vers laquelle s'élève la Bienheureuse Mariam et qui émerge du cercle symbolisant la Gloire céleste est l'Esprit-Saint qui fait porter en gestation par l'Église le Christ Ressuscité et eschatologique, jusqu'à ce qu'Il soit tout en tous.

Avec l'Esprit-Saint
La relation de l'enfant d'Abellin à l'Esprit-Saint est d'ordre prophétique. En un temps où le Paraclet était le grand méconnu, l'orpheline de l'Église d'Orient, adoptée par l'Église d'Occident, est un précurseur du renouveau spirituel prôné par Vatican II en une inspiration œcuménique et eschatologique. Cette humble palestinienne illettrée fut un témoin privilégié de l'action du Sanctificateur, cet Esprit d'Amour que Jésus nous a envoyé pour être notre compagnon de route en notre exode. On pourrait se demander: «Pourquoi tant de prodigalité, cette floraison exotique de charismes et de prodiges de toutes sortes?» La réponse est simple, messagère de Bonne Nouvelle: Parce Dieu nous aime et Il a choisi la petite Mariam, ce petit Rien, pour nous manifester cet Amour. Elle apparaît comme l'annonciatrice de l'Église post-conciliaire, incarnant d'une manière prophétique les grands courants qui la traverseront, les charismes qu'elle redécouvrira et les épreuves qu'elle aura à endurer.

Quoi d'étonnant alors que la joie éclate l'icône. C'est celle de toute l'Église. Mariam semble exulter de joie en Dieu son Créateur. Comme David, son ancêtre, elle danse devant le Tabernacle. Sur l'icône aussi continue à être poète de Dieu, chantant hymne d'action de grâces, vrai sacrifice de louange, par laquelle elle «rend» à Dieu les grâces qu'elle a reçues de Lui, faisant participer à ses louanges toute la création. Son visage tout tourné vers la Lumière, ses mains vides et grand-ouvertes expriment à la fois une totale réceptivité et une offrande inconditionnée en une épiclèse jaillie des profondeurs: «Ce qui est à Toi, de ce qui est à Toi, je te l'offre au nom de tout et pour tout» (cf. anaphore de St Jean Chrysostome) et d'appeler l'Esprit-Saint sur ces «dons»: «Venez ma consolation, venez ma joie, venez ma paix, ma force, ma lumière. Venez, éclairez-moi. Je ne vous demande d'autre science ni d'autre sagesse que la science de trouver Jésus et la sagesse de le conserver.» Et le Seigneur de lui dire en une vision prophétique de l'Eglise contemporaine (un calice d'où ruisselle de la lumière sur une colombe pour la laver): «Si tu veux me chercher, me connaître et me suivre, invoque la lumière, l'Esprit-Saint qui a éclairé les disciples et qui éclaire tous les peuples qui l'invoquent. Je vous le dis en vérité: quiconque invoquera le Saint-Esprit, me cherchera et me trouvera. Sa conscience sera délicate comme la fleur des champs. Je désire ardemment que les prêtres disent chaque mois une messe en l'honneur du Saint-Esprit. Quiconque la dira ou l'entendra sera honoré par le Saint-Esprit lui-même. Il aura la lumière, il aura la paix. Il guérira les malades. Il réveillera ceux qui dorment».

Avec la Vierge Marie
Comment ne pas évoquer la place de la Vierge Marie dans la vie de la petite arabe? Ici encore elle apparaît comme un prophète de la relation unique entre l'Esprit-Saint et la Théotokos. Elle bénéficia du ministère de guérison de l'Epouse du Paraclet à qui a été confié tout l'ordre de la Miséricorde. Comme Elle, elle sera vierge jusqu'au martyre. Son appartenance au Carmel, «Ordre de la Vierge» rend plus étroite son intimité avec Marie. Si la nuée qu'elle fixe évoque l'Esprit-Saint, elle symbolise aussi son Épouse. Cette interprétation rejoint l’exégèse carmélitaine: la nuée que le prophète Elie vit sur le Carmel, s'élevant de mer stérile pour féconder la terre, figure la Mère du Messie qu'Elie reconnut et salua de loin.

Buisson Ardent
Mue comme elle l'était par l'Esprit Saint, Mariam l'arabe ne pouvait pas ne pas vivre du mystère de l'Incarnation, axe central de la spiritualité antiochienne et carmélitaine.

La tradition orientale a vu dans le Buisson ardent la figure du sein non consumé de la Vierge, contenant le feu de la Divinité. Sur l'icône, ce Buisson en feu est un arbuste en forme de Croix. Sublime théophanie que celle du Buisson du Sinaï où Dieu révèle son Nom, mais elle annonce la révélation pleine et définitive du Nom du Père qui est son Fils Bien-Aimé. Lui, l'icône parfaite de sa Substance, ne réfléchira la Sainteté du Père nulle part mieux que sur la Croix. Jésus n'a-t-¬il pas dit: «Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme alors vous saurez que Je Suis» (Jn. 8, 28)? Il relie explicitement le mystère de la Rédemption à l'épisode du Buisson ardent. Le salut que proposait Yahvé à son Peuple asservi n'est autre que le Crucifié, le Christ notre Pâque, serviteur et Pain des pauvres dans l'Économie sacramentelle.

Mariam fléchit donc le genou devant le symbole de la Kénose suprême de l'Amour ; celle du Fils et celle de l'Esprit dans l'Église. De la Croix à l'Eucharistie le Buisson ardent révèle à la petite arabe l'Amour fou de son Dieu. A l'instar de Moïse elle a ôté ses sandales. La Flamme du Buisson se réverbère sur ses vêtements - couleur de terre mais teints de rouge - elle est comme éclaboussée du sang de l'Agneau. N'est-elle pas une brebis offerte en sacrifice, victime offerte pour la multitude en un ministère de compassion dans l'expiation?

Sur le cou elle porte la marque de son double martyre de vierge et de confesseur; ses pieds et ses mains sont transpercés, son cœur tansverbéré, son front couronné d'épines: mystérieux stigmates qui achèvent sa ressemblance au Crucifié. Sur le Char de la croix elle s'élève tel un sacrifice de bonne odeur, mains élevées en signe d'intercession.

Dans la vie de la petite arabe la mission conjointe du Verbe et de l'Esprit-Saint a brillé d'une manière particulièrement significative. Selon l'image patristique, l'Esprit et le Verbe furent les «deux mains» par lesquelles le Père a saisi et emporté vers Lui son enfant d'adoption. Le Buisson ardent et la Nuée, voilà les deux pôles de la spiritualité de la Bienheureuse Mariam.

Une épiphanie en lignes et couleurs
Alors que le bleu du cercle évoque la lumière supra-sensible de la Gloire céleste, le rouge vif du Buisson exprime l'aspect «passionnel» du drame rédempteur. La vie de la petite Mariam, telle que l'icône nous la révèle, condense les deux courants de la spiritualité orientale, parfaitement assimilés par la tradition carmélitaine: d'une part la transfiguration jusqu'à la divinisation par l'acquisition de l'Esprit-Saint, ce qui ne va pas sans la mort du vieil homme; d'autre part la conformité à la Kénose du Verbe par le témoignage du martyre ou de la vie monastique. Cette dernière entraîne la pratique de l'ascèse, ouvre au combat spirituel mais est comme une anticipation de la Résurrection. (Dans l'Église d'Antioche les moines sont appelés «Bani Kiyomo»: Fils la Résurrection.) Mariam tient deux fils: le fil d'or des transfigurés, le fil rouge des martyrs pour reprendre l'image d'Olivier Clément.

Debout sur la montagne du Carmel, désert mystique où se réalise l'exode vers la terre promise de l'union transformante, la fille de Thérèse de Jésus est revêtue de l'habit du Carmel qui a hérité des melotes des prophètes et des Pères du désert. Elle porte le voile blanc, signe de sa vocation à l'humilité comme sœur converse. Le manteau blanc attire notre attention. Dans la tradition prophétique il symbolise le charisme fondationnel: Élisée reçut le manteau d'Elie comme gage de son double esprit. L'humble fondatrice des Carmels de Mangalore, de Bethléem et de Nazareth est la continuatrice de cette «nuée de témoins». La masse blanche du manteau, dont les plis flottant à droite font l'équilibre avec le Buisson et le cercle de gauche souligne cette réalité.

Dans cette icône chargée de symboles d'une rare densité, la figure centrale de la Bienheureuse tout aimantée par le cercle et par le Buisson semble n'exister que grâce au Souffle vivifiant. Tous ses mouvements sont mus par une attraction irrésistible. Si elle court c'est que l'amour la presse, si elle vole c'est l'amour qui lui donne des ailes; est-elle transparente comme une eau cristalline? l'amour la transfigure; se perd-elle en Dieu au point de s'oublier? c'est l'amour qui la ravit; a-t-elle les pieds et les mains blessés? c'est l'amour qui la crucifie; son cœur est-il ouvert? c'est l'amour qui la transperce. Mariam est toute consumée tandis qu'elle se perd dans son propre néant. Telle est bien l'attitude fondamentale de sa sainteté. C'est sur l'abîme de son rien que le Seigneur a pu faire reposer la plénitude de ses dons. Elle s'appellera «le petit Rien»: «le petit Rien n'arrivera que par le rien» disait-elle, condensant en une phrase la doctrine de son Père Jean de la Croix.

Face au Tout-Puissant ce «petit rien» n'a aucune consistance propre. Sur son visage tout de candeur ne se note aucune contraction: elle est toute transparence, mieux: elle est toute ignorance. Elle incarne le «sommeil mystique» de l'épouse dont la Mère pénètre les cieux: « Nescivi»! je n'ai pas. «Ne réveillez pas ma bien-aimée», supplie l’Epoux dans les Cantiques. De ce sommeil la « petite» ne se réveilla jamais, ravie en Dieu et ravissant son Dieu par son innocence. Son attitude sera constamment celle de l'enfant dormant contre le sein de sa mère. Elle fut vraiment un pionnier dans les voies de l’enfance spirituelle obtenant la victoire promise aux petits: elle écrasera la tête de Satan.

L'icône de la Bienheureuse Mariam de Jésus Crucifié s'inspire d'une magnifique icône du Mont Sinaï, datant du XIIème siècle, qui représente Moïse devant le Buisson ardent. La vie bouleversante de la carmélite palestinienne fut une manifestation de la Présence du Tout-Autre dans notre monde contingent, une épellation hardie par des des lèvres de chair du Nom béni et brûlant. «Ô Toi l'au-delà de tout, comment t'appeler d'un autre nom?... Tu as tous les noms, comment t'appellerai-je? Toi le seul qu'on ne peut nommer» chantait Grégoire de Nazianze. Au lieu de prononcer le Nom ineffable, Mariam s'est laissée captiver par la Flamme du Buisson au point d'en être habitée: Devenue «théophore» elle fut dans l'Église une théophanie vivante révélant l'être du Dieu-Amour. L'abîme de son Rien faisant écho par la Foi à l'abîme du Tout (cf. Ps. 42, 8) elle devint «théologienne» au sens strict, c’est-à-dire connaissant Dieu à la manière dont Dieu se connaît, c'est ainsi qu'elle laissa le Père prononcer en elle son Nom qui est son Verbe, dans la Communion de l'Esprit Saint.

Puisse l'Église qui est au Moyen-Orient entendre cette voix qui communique l'Esprit comme celle de la Vierge de la Visitation, puisse-t-elle se réveiller et se rappeler en une anamnèse aimante ses sources et ses témoins. La fille de l'Église grecque-melkite catholique montre du doigt le chemin du Renouveau pour un printemps spirituel qui hâte le moment de la Communion retrouvée entre toutes les Églises.

Tropaire de la Bienheureuse Mariam de Jésus Crucifié
En toi s'est conservée sans défaut la divine image. Prenant ta croix, tu as suivi le Christ. Par tes propres œuvres, tu as enseigné à mépriser la chair qui passe et à s'occuper de l’âme, créature immortelle. Aussi ton âme, ô Bienheureuse Mariam, se réjouit-elle avec les anges.

Icône offerte à Sa Sainteté le Pape JEAN PAUL II
par sa Béatitude MAXIMOS V HAKIM
Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,
d’Alexandrie et de Jérusalem
À l’occasion de la Béatification de Sœur Mariam de Jésus Crucifié, Carmélite Déchaussée

Rome, le 13 novembre 1983
Année de la Rédemption

Liturgie

Icônes Carmélitaine

Vocation

Neuvaine

Prions avec Thérèse de Jésus

Rosario

Avec le Pape

Etude Bibliques

Prière et Méditation

Vive le Carmel

Chemin de Croix (Via Crucis)

Homélie

Chapelet du Saint Esprit